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LA FIN DU VOYAGE

à cet enivrement muet, ce bourdonnement du bonheur, qui remplissait ses oreilles et son cœur, dans les premiers jours de l’amitié avec Olivier. Il s’y joignait un sentiment plus grave et presque religieux, qui, par delà les vivants, apercevait le sourire du passé. — Il attendit, le lendemain et le surlendemain. Personne. Pas une lettre d’excuses. Christophe, attristé, chercha lui-même des raisons pour excuser l’enfant. Il ne savait où lui écrire, il n’avait pas son adresse. L’aurait-il connue, qu’il n’eût pas osé lui écrire. Un vieux cœur qui s’éprend d’un jeune être éprouve une pudeur à lui témoigner le besoin qu’il a de lui ; il sait bien que celui qui est jeune n’a pas le même besoin : la partie n’est pas égale entre eux ; et l’on ne craint rien tant que de paraître s’imposer à qui ne se soucie point de vous.

Le silence se prolongeait. Bien que Christophe en souffrît, il se contraignit à ne faire aucune démarche pour retrouver les Jeannin. Mais, chaque jour, il attendait celui qui ne venait point. Il ne partit pas pour la Suisse. Il resta, tout l’été, à Paris. Il se jugeait absurde ; mais il n’avait plus de goût à voyager. En septembre seulement, il se décida à passer quelques jours à Fontainebleau.

Vers la fin d’octobre, Georges Jeannin