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LA NOUVELLE JOURNÉE

tère, ses œuvres, son génie, traita l’œuvre de l’autre avec le dernier mépris, assura qu’elle ne valait rien et qu’elle ne ferait pas un sou.

— Alors, pourquoi l’avez-vous reçue ?

— On ne fait pas tout ce qu’on veut. Il faut bien donner, de loin en loin, un semblant de satisfaction à l’opinion. Autrefois, ces jeunes gens pouvaient crier ; personne ne les entendait. À présent, ils trouvent moyen d’ameuter contre vous une presse nationaliste, qui braille à la trahison et vous appelle mauvais Français, quand vous avez le malheur de ne pas vous extasier devant leur jeune école. La jeune école ! Parlons-en !… Voulez-vous que je vous dise ? J’en ai plein le dos ! Et le public aussi. Ils nous rasent, avec leurs Oremus !… Pas de sang dans les veines ; des petits sacristains qui vous chantent la messe ; quand ils font des duos d’amour, on dirait des De profundis… Si j’étais assez sot pour monter les pièces qu’on m’oblige à recevoir, je ruinerais mon théâtre. Je les reçois : c’est tout ce qu’on peut me demander. — Parlons de choses sérieuses. Vous, vous faites des salles pleines…

Les compliments reprirent.

Christophe l’interrompit net, et dit avec colère :

— Je ne suis pas dupe. Maintenant que je suis vieux et un homme « arrivé », vous vous