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LA FIN DU VOYAGE

ont traversé les déserts, portant le feu sacré, les dieux de notre race, et eux, ces enfants, qui maintenant sont des hommes ? Nous avons eu, pour notre part, l’épreuve et l’ingratitude.

— Le regrettes-tu ?

— Non. Il y a une ivresse à sentir la grandeur tragique d’une puissante époque sacrifiée, comme la nôtre, à celle qu’elle a enfantée. Les hommes d’aujourd’hui ne seraient plus capables de goûter la joie superbe du renoncement.

— Nous avons été les plus heureux. Nous avons gravi la montagne de Nébo, au pied de laquelle s’étendent les contrées où nous n’entrerons pas. Mais nous en jouissons plus que ceux qui entreront. Quand on descend dans la plaine, on perd de vue l’immensité de la plaine et l’horizon lointain.