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LA FIN DU VOYAGE

(Christophe battait du tambour sur la table, où le chat, réveillé, sursauta.)

… Chaque peuple, aujourd’hui, sent l’impérieux besoin de rassembler ses forces et d’en dresser le bilan. C’est que, depuis un siècle, les peuples ont été transformés par leur pénétration mutuelle et par l’immense apport de toutes les intelligences de l’univers, bâtissant la morale, la science, la foi nouvelles. Il faut que chacun fasse son examen de conscience et sache exactement qui il est et quel est son bien, avant d’entrer, avec les autres, dans le nouveau siècle. Un nouvel âge vient. L’humanité va signer un nouveau bail avec la vie. Sur de nouvelles lois, la société va revivre. C’est dimanche, demain. Chacun fait ses comptes de la semaine, chacun lave son logis et veut sa maison nette, avant de s’unir aux autres, devant le Dieu commun, et de conclure avec lui le nouveau pacte d’alliance.

Emmanuel regardait Christophe ; et ses yeux reflétaient la vision qui passait. Il se tut, quelque temps après que l’autre eut parlé ; puis, il dit :

— Tu es heureux, Christophe ! Tu ne vois pas la nuit.

— Je vois dans la nuit, dit Christophe. J’y ai assez vécu. Je suis un vieux hibou.