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LA NOUVELLE JOURNÉE

d’une heure son départ, sans qu’il osât le lui demander, ni s’en plaindre. Le dernier jour, ils se promenèrent seuls, avec les enfants ; à un moment, il était si plein d’amour et de bonheur qu’il voulut le lui dire ; mais, d’un geste très doux, elle l’arrêta, en souriant :

— Chut ! Je sens tout ce que vous pouvez dire.

Ils s’assirent, au détour du chemin où ils s’étaient rencontrés. Elle regardait, souriante toujours, la vallée à ses pieds ; mais ce n’était pas la vallée qu’elle voyait. Il contemplait le suave visage où les tourments avaient laissé leur marque ; dans l’épaisse chevelure noire, partout des fils blancs se montraient. Il était pris d’une adoration pitoyable et passionnée pour cette chair qui avait pâti, qui s’était imprégnée des souffrances de l’âme. L’âme était partout visible en ces blessures du temps. — Et il demanda, à voix basse et tremblante, comme une faveur précieuse, qu’elle lui donnât… un de ses cheveux blancs.