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LA FIN DU VOYAGE

l’effrayait. Mais elle sentait le prix de l’amitié retrouvée ; et elle en était aussi heureuse que lui. Elle le priait de venir dîner, le soir.

Son cœur fut inondé de reconnaissance. Dans sa chambre d’hôtel, couché sur son lit, la tête dans ses oreillers, il sanglota. C’était la détente de dix ans de solitude. Car depuis la mort d’Olivier, il était resté seul. Cette lettre apportait le mot de résurrection pour son cœur affamé de tendresse. La tendresse !… Il croyait y avoir renoncé : il lui avait bien fallu apprendre à s’en passer ! Il sentait aujourd’hui combien elle lui manquait, et tout ce qu’il avait accumulé d’amour…

Douce et sainte soirée qu’ils passèrent ensemble… Il ne put lui parler que de sujets indifférents, malgré leur intention de ne se cacher rien. Mais que de choses bienfaisantes il dit sur le piano, où elle l’invita du regard à lui parler ! Elle était frappée de voir l’humilité de cœur de cet homme, qu’elle avait connu orgueilleux et violent. Quand il partit, l’étreinte silencieuse de leurs mains dit qu’ils s’étaient retrouvés, qu’ils ne se perdraient plus. — Il pleuvait, sans un souffle de vent. Son cœur chantait.

Elle ne devait plus rester que quelques jours dans le pays ; et elle ne retarda pas