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Jean-Christophe

titre à son choix que d’être son voisin. Il n’était pas outillé pour un travail de cette importance ; l’ouvrage traîna, des mois ; il y eut des bévues, des corrections coûteuses. Christophe, qui n’y connaissait rien, se laissait tout compter un tiers plus cher qu’il ne fallait ; les dépenses s’élevèrent bien au-dessus de ce qui avait été prévu. Puis, quand ce fut fini, Christophe se trouva avoir sur les bras une édition énorme, dont il ne savait que faire. L’éditeur était sans clientèle ; il ne fit pas une démarche pour répandre l’œuvre. Son apathie s’accordait d’ailleurs avec l’attitude de Christophe. Comme il lui avait demandé, pour l’acquit de sa conscience, de lui écrire quelques lignes de réclame, Christophe répliqua « qu’il ne voulait pas de réclame : si sa musique était bonne, elle parlerait pour elle-même. » L’autre respecta religieusement sa volonté : il enferma l’édition au fond de son magasin. Elle était bien gardée ; car, en six mois, il ne s’en vendit pas un exemplaire.