Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/195

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En attendant que le public se décidât à venir, Christophe dut trouver un moyen pour réparer la brèche qu’il avait faite à son petit avoir ; et il n’avait pas à être difficile : car il fallait vivre et payer ses dettes. Non seulement celles-ci étaient plus fortes qu’il ne l’avait prévu ; mais il s’aperçut que la réserve sur laquelle il comptait était moins forte qu’il n’avait calculé. Avait-il perdu de l’argent sans s’en douter, ou — ce qui était infiniment plus probable, — avait-il mal fait ses comptes ? — (Jamais il n’avait su faire une addition exacte.) — Peu importait en tout cas pourquoi l’argent manquait : il manquait, la chose était sûre. Louisa dut se saigner pour venir en aide à son fils. Il en eut un remords cuisant, et il chercha à s’acquitter, au plus tôt, à tout prix. Il se mit en quête de leçons à donner, si pénible qu’il lui fût de se proposer et d’essuyer parfois des refus. Sa faveur était bien tombée : il eut grand mal à retrouver quelques élèves. Aussi, quand on lui parla d’une place dans une école, il fut trop heureux d’accepter.

C’était une institution à demi religieuse. Le directeur, homme fin, avait su voir, sans être musicien, tout le parti qu’on pouvait tirer de Christophe, et à très bon compte, dans la situation actuelle. Il était affable, et payait peu. Christophe ayant risqué une timide observation, le directeur laissa entendre, avec un sourire bienveillant, que Christophe, n’ayant plus de titre officiel, ne pouvait prétendre à plus.

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