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ANTOINETTE

Elle reçut, un jour, des lettres anonymes, — ou, plus exactement, signées d’un noble pseudonyme, — qui lui faisaient une déclaration : lettres d’amour d’abord, flatteuses, pressantes, fixant un rendez-vous ; puis, très vite, plus hardies, essayant de la menace, et bientôt de l’injure, de basses calomnies : elles la déshabillaient, détaillaient les secrets de son corps, le salissaient de leur grossière convoitise ; elles tâchaient de jouer de la naïveté d’Antoinette, en lui faisant redouter un outrage public, si elle ne venait pas au rendez-vous assigné. Elle pleurait de douleur d’avoir pu s’être attiré de telles propositions ; et ces injures brûlaient l’orgueil de son corps et de son cœur. Elle ne savait comment sortir de là. Elle ne voulait pas en parler à son frère : elle savait qu’il en souffrirait trop, et qu’il donnerait à l’affaire un caractère plus grave encore. Elle n’avait pas d’amis. Recourir à la police ? Elle s’y refusait, par