Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 6.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

216
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

rait le voir, le lendemain, au parloir. Elle y arriva un quart d’heure à l’avance. Il fut très gentil pour elle, mais tout occupé et amusé de ce qu’il avait vu. Les jours suivants, où elle venait toujours pleine de tendresse inquiète, le contraste s’accentua entre ce que ces instants d’entretien étaient pour lui, et ce qu’ils étaient pour elle. Pour elle, c’était toute sa vie, maintenant. Lui, il aimait tendrement Antoinette, sans doute ; mais on ne pouvait pas lui demander de penser uniquement à elle, comme elle pensait à lui. Une ou deux fois, il arriva en retard au parloir. Un autre jour, quand elle lui demanda s’il s’ennuyait, il répondit que non. C’étaient de petits coups de poignard dans le cœur d’Antoinette. — Elle s’en voulait d’être ainsi ; elle se traitait d’égoïste ; elle savait très bien qu’il serait absurde, qu’il serait même mal et contre nature qu’il ne pût se passer d’elle, ni elle de lui, qu’elle n’eût pas d’autre objet dans la vie. Oui, elle