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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

« mort » — (elle n’osait pas écrire ce mot…)

Le médecin ne put rien : le mal était trop fort, et la constitution d’Antoinette était usée jusqu’à la corde par les années de fatigues excessives.

Antoinette était calme. Depuis qu’elle se sentait perdue, elle était délivrée de ses angoisses. Elle repassait dans sa pensée toutes les épreuves qu’elle avait traversées ; elle revoyait son œuvre accomplie, son cher Olivier sauvé ; et une joie ineffable la pénétrait. Elle se disait :

— C’est moi qui ai fait cela

Elle se reprochait son orgueil :

— Seule, je n’aurais rien pu. C’est Dieu qui m’a aidée.

Et elle remerciait Dieu de lui avoir accordé de vivre jusqu’à ce qu’elle eût fait sa tâche. Elle avait bien le cœur un peu serré qu’il lui fallût s’en aller maintenant ; mais elle n’osait pas se plaindre : c’eût été ingrat en-