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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Mais si triste qu’il semble de perdre, au début de sa vie, ceux qu’on aime, cela est moins affreux encore que plus tard, quand les sources de la vie sont taries. Olivier était jeune ; et, malgré son pessimisme natif, malgré son infortune, il avait le besoin de vivre. Comme on le remarque souvent après la perte d’un être cher, il semblait qu’Antoinette, en mourant, eût soufflé une partie de son âme à son frère. Il le croyait. Sans avoir la foi, comme elle, il se persuadait obscurément que sa sœur n’était pas tout à fait morte, qu’elle vivait en lui, ainsi qu’elle le lui avait promis. Une croyance de Bretagne veut que les jeunes morts ne soient pas morts : ils continuent de flotter aux lieux où ils vécurent, jusqu’à ce qu’ils aient accompli la durée normale de leur existence. — Ainsi, Antoinette continuait de grandir auprès d’Olivier.

Il relisait les papiers qu’il avait trouvés d’elle. Par malheur, elle avait presque tout brûlé. D’ailleurs, elle n’était pas femme à