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ANTOINETTE

train, il causa tranquillement avec quelques amis qu’il rencontra, de la campagne qui manquait d’eau depuis des semaines, des vignes qui étaient superbes, et de la chute du ministère qu’annonçaient les journaux du soir.

Arrivé à la maison, il feignit de ne point tenir compte de l’agitation de sa femme, accourue auprès de lui, en l’entendant rentrer, et qui lui racontait avec une volubilité confuse ce qui s’était passé pendant son absence. Elle tâchait de lire sur ses traits s’il avait réussi à détourner le danger inconnu ; elle ne lui demanda pourtant rien, par orgueil : elle attendait qu’il lui en parlât le premier. Mais il ne dit pas un mot de ce qui les tourmentait tous deux. Il écarta silencieusement le désir qu’elle avait de se confier à lui, et d’attirer ses confidences. Il parla de la chaleur, de sa fatigue, il se plaignit d’un mal de tête fou ; et l’on se mit à table, comme à l’ordinaire.