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ANTOINETTE

Dans ces premiers moments, leur épouvante était encore plus forte que leur douleur. Au reste, on ne leur laissa point le temps de pleurer en paix. Dès le matin, commencèrent les cruelles formalités judiciaires. Antoinette, réfugiée dans sa chambre, tendait toutes les forces de son égoïsme juvénile vers une pensée unique, seule capable de l’aider à repousser l’horreur de la réalité qui la suffoquait : la pensée de son ami ; elle attendait sa visite, d’heure en heure. Jamais il n’avait été plus empressé pour elle que la dernière fois qu’elle l’avait vu : elle ne doutait pas qu’aussitôt qu’il apprendrait la catastrophe, il n’accourût, pour prendre part à son chagrin. — Mais personne ne vint. Ni aucun mot de personne. Aucune marque de sympathie. En revanche, dès la première nouvelle du suicide, des gens, qui avaient confié leur argent au banquier, se précipitèrent chez les Jeannin, forcèrent la porte, et, avec