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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

une férocité impitoyable, firent des scènes furieuses à la femme et aux enfants.

En quelques jours, s’accumulèrent toutes les ruines : perte d’un être cher, perte de toute fortune, de toute situation, de l’estime publique, abandon des amis. Ce fut un écroulement total. Rien ne resta debout de ce qui les faisait vivre. Ils avaient, tous les trois, un sentiment intransigeant de pureté morale, qui les faisait d’autant plus souffrir d’un déshonneur, dont ils étaient innocents. Des trois, la plus ravagée par la douleur fut Antoinette, parce qu’elle en était le plus loin. Mme Jeannin et Olivier, si déchirés qu’ils fussent, n’étaient pas étrangers à ce monde de la souffrance. Pessimistes d’instinct, ils étaient moins surpris qu’accablés. La pensée de la mort avait toujours été pour eux un refuge : elle l’était plus que jamais, maintenant ; ils souhaitaient de mourir. Lamentable résignation sans doute, mais pourtant moins