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LE BUISSON ARDENT

veau de l’enfant. Quel étrange cerveau !… Olivier ne parvenait pas à suivre le mouvement de cette pensée, incapable d’un effort continu et raisonné, qui allait par saccades, et, tandis qu’on lui parlait, restait loin derrière vous, sans vous suivre, s’agrippant à une image évoquée, on ne savait comment, par un mot dit tout à l’heure, puis soudain vous rejoignait, vous dépassait d’un saut, faisant sortir d’une pensée banale, d’une prudente phrase bourgeoise, tout un monde enchanté, un credo héroïque et dément. Cette âme, qui somnolait, avec des réveils bondissants, avait un besoin puéril et puissant d’optimisme ; à tout ce qu’on lui disait, art ou science, elle ajoutait une fin de mélodrame complaisant qui se ramenait à ses chimères et les satisfaisait.

Olivier fit, par curiosité, quelques lectures au petit, le dimanche. Il croyait l’intéresser avec des récits réalistes et familiers ; il lui lut les Souvenirs d’enfance de Tolstoy. Le petit n’en était pas frappé ; il disait :

— Ben oui, c’est ainsi, on sait ça.

Et il ne comprenait pas qu’on se donnât tant de mal pour écrire des choses réelles…

— Un gosse, c’est un gosse, disait-il dédaigneusement.

Il n’était pas plus sensible à l’intérêt de