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LE BUISSON ARDENT

tait avec une nièce fort dévote, qui faisait de lui ce qu’elle voulait. Cette petite femme très brune, grassouillette, aux yeux vifs, douée d’une volubilité de parole que relevait encore un fort accent de Marseille, était veuve d’un rédacteur au ministère du commerce. Restée seule sans fortune, avec une fillette, et recueillie par l’oncle, cette bourgeoise, qui avait des prétentions, n’était pas loin de croire qu’elle faisait une grâce à son parent le boutiquier, en vendant, à son magasin ; elle trônait avec des airs de reine déchue, que, fort heureusement pour les affaires de l’oncle et pour la clientèle, tempérait son exubérance naturelle et son besoin de parler. Royaliste et cléricale, comme il convenait à une personne de sa distinction, Mme  Alexandrine étalait ses sentiments avec un zèle d’autant plus indiscret qu’elle avait un malin plaisir à taquiner le vieux mécréant chez qui elle s’était installée. Elle s’était constituée la maîtresse du logis, responsable de la conscience de toute la maisonnée ; si elle ne pouvait convertir l’oncle — (et elle se jurait bien de l’attraper in extremis), — elle s’en donnait à cœur joie de tremper le diable dans l’eau bénite. Elle épinglait aux murs des images de Notre-Dame de Lourdes et de saint Antoine de Padoue ; elle ornait la che-