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LE BUISSON ARDENT

le parti et pour y jeter les soupçons. Si ce nigaud ne fait pas attention, nous allons être obligés de l’arrêter. C’est ennuyeux. Avertissez-le.

Manousse avertit Christophe ; Olivier le supplia d’être prudent. Christophe ne prit pas leurs avis au sérieux.

— Bah ! dit-il, on sait que je ne suis pas dangereux. J’ai bien le droit de m’amuser un peu. J’aime ces gens, ils travaillent comme moi, ils ont une foi comme moi. À la vérité, ce n’est pas la même, nous ne sommes pas du même camp… Très bien ! On se battra donc. Ce n’est pas pour me déplaire. Que veux-tu ? Je ne peux pas rester, comme toi, recroquevillé dans ma coquille. J’ai besoin de respirer. J’étouffe chez les bourgeois.


Olivier, qui n’avait pas des poumons aussi exigeants, se trouvait bien de son logis étroit et de la calme société de ses deux amies, encore que l’une d’elles, Mme  Arnaud, se fut jetée dans les œuvres de bienfaisance, et que l’autre, Cécile, fût absorbée dans les soins de l’enfant, jusqu’à ne plus parler que de lui et avec lui, sur ce ton gazouillant et bêtifiant qui tâche de se modeler sur celui de l’oiselet et de muer sa chanson informe en un parler humain.