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LA FIN DU VOYAGE

le XVIIe siècle. Au temps de la Révolution, la famille, ruinée et déchue, avait fait le plongeon dans la mare populaire. Maintenant, elle revenait à la surface, par le probe travail, la vigueur physique et morale du facteur Hurteloup, et sa fidélité à sa race. Son meilleur passe-temps était de réunir des documents historiques et généalogiques, se rapportant aux siens ou à leur pays d’origine. À ses heures de congé, il allait aux Archives copier de vieux papiers. Quand il ne comprenait pas, il demandait l’explication à un de ses clients, Chartiste ou Sorbonnard. Son illustre ascendance ne lui tournait pas la tête ; il en parlait, en riant, sans l’ombre de gêne ni de récrimination contre le mauvais sort. Il avait une gaieté insouciante et robuste, qui faisait plaisir à voir. Et Olivier, en le regardant, pensait au va-et-vient mystérieux de la vie des races, qui coule à pleins bords pendant des siècles, pendant des siècles disparaît sous terre, puis ressurgit après avoir drainé au fond du sol des énergies nouvelles. Et le peuple lui apparaissait comme un réservoir immense où se perdent les fleuves du passé et d’où ressortent les fleuves de l’avenir, qui, sous un autre nom, sont quelquefois les mêmes.

Guérin et Hurteloup lui étaient sympa-