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LE BUISSON ARDENT

thiques ; mais on conçoit qu’ils ne pussent lui être une société ; entre eux et lui, il n’y avait pas beaucoup de conversation possible. Le petit Emmanuel l’occupait davantage ; il venait chez lui maintenant presque chaque soir. Depuis l’entretien magique, une révolution s’était faite chez l’enfant. Il s’était jeté dans la lecture avec une fureur de savoir. Il sortait de ses livres, ahuri, abruti. Il semblait moins intelligent qu’avant ; il parlait à peine ; Olivier n’arrivait plus à en arracher que des monosyllabes ; à ses questions, l’enfant répondait des âneries. Olivier se décourageait ; il tâchait de n’en rien montrer ; mais il croyait qu’il s’était trompé et que le petit était tout à fait stupide. Il ne voyait pas le travail formidable d’incubation fiévreuse, qui s’opérait dans les entrailles de cette âme. Il était d’ailleurs un mauvais pédagogue, plus capable de jeter au hasard dans les champs les poignées de bon grain que de sarcler la terre et de creuser les sillons. La présence de Christophe ajoutait encore au trouble. Olivier éprouvait une gêne à exhiber devant son ami son petit protégé ; il était honteux de la bêtise d’Emmanuel, qui devenait accablante quand Jean-Christophe était là. L’enfant se renfermait alors dans un mutisme farouche. Il haïssait Christophe, parce