Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/133

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Le premier Mai approchait. Une rumeur inquiète parcourait Paris. Les matamores de la C. G. T. contribuaient à la répandre. Leurs journaux annonçaient le grand jour arrivé, convoquaient les milices ouvrières, et lançaient le mot d’épouvante qui atteint les bourgeois à l’endroit le plus sensible : au ventre… Feri ventrem… Ils les menaçaient de la grève générale. Les Parisiens épeurés partaient pour la campagne, ou s’approvisionnaient comme pour un siège. Christophe avait rencontré Canet, dans son auto, rapportant deux jambons et un sac de pommes de terre ; il était hors de lui ; il ne savait plus au juste de quel parti il était ; on le voyait tour à tour vieux républicain, royaliste et révolutionnaire. Son culte de la violence était une boussole affolée, dont l’aiguille sautait du nord au midi et du midi au nord. En public, il continuait de faire chorus aux rodomontades de ses amis ; mais il eût pris

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