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LA FIN DU VOYAGE

toi… Je ne verrai rien de tout cela. Je resterai stupidement en chemin.

— Pour stupide, tu l’es. Crois-tu, par hasard, que même si tu le voulais, je te laisserais en route ?

— Tu m’oublieras, dit Olivier.

Christophe se leva, et alla s’asseoir sur le lit, près d’Olivier ; il lui prit les poignets, moites d’une sueur de faiblesse. Le col de la chemise s’était ouvert ; on voyait la maigre poitrine, la peau trop transparente, frêle et tendue comme une voile qu’un souffle de vent gonfle et qui va se déchirer. Les robustes doigts de Christophe reboutonnèrent maladroitement le col. Olivier se laissait faire.

— Cher Christophe ! dit-il tendrement, j’ai eu pourtant un grand bonheur dans ma vie !

— Ah ! çà, qu’est-ce que ces idées ? dit Christophe, tu vas aussi bien que moi.

— Oui, dit Olivier.

— Alors, pourquoi dis-tu des sottises ?

— J’ai tort, fit Olivier, honteux et souriant. C’est cette grippe qui vous abat.

— Il faut se secouer. Houp ! Lève-toi.

— Pas maintenant. Plus tard.

Il restait à rêver. Le lendemain, il se leva. Mais ce fut pour continuer de rêvasser au