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LE BUISSON ARDENT

était particulièrement pénible, il eût voulu rester enfermé, tout le jour. Christophe le semonça, le railla, voulut à tout prix qu’il sortît, pour s’arracher à sa torpeur : depuis dix jours, il n’avait pas pris l’air. Olivier faisait mine de ne pas entendre. Christophe dit :

— C’est bon, je m’en vais sans toi. Je vais voir leur premier Mai. Si je ne suis pas revenu ce soir, tu te diras que je suis coffré.

Il s’en alla. Dans l’escalier, Olivier le rejoignit. Il ne voulait pas laisser Christophe aller seul.

Peu de monde dans les rues. Quelques petites ouvrières, fleuries d’un brin de muguet. Des ouvriers endimanchés se promenaient, d’un air désœuvré. À des coins de rues, près de stations du Métro, des agents, par paquets, se tenaient dissimulés. Les grilles du Luxembourg étaient fermées. Le temps restait toujours brumeux et tiède. Il y avait si longtemps qu’on n’avait vu le soleil !… Les deux amis allaient au bras l’un de l’autre. Ils parlaient peu, mais ils s’aimaient bien. Quelques mots évoquaient des choses intimes et passées. Devant une mairie, ils s’arrêtèrent pour regarder le baromètre, qui avait une tendance à remonter.

— Demain, dit Olivier, je verrai le soleil.