Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/142

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Le lendemain, Christophe vint prendre Olivier, pour faire une promenade dans Paris. Olivier était guéri ; mais il éprouvait toujours son étrange lassitude ; il ne tenait pas à sortir, il avait une crainte vague, il n’aimait pas se mêler à la foule. Son cœur et son esprit étaient braves ; mais la chair était débile. Il avait peur des cohues, des bagarres, de toutes les brutalités ; il savait trop qu’il était fait pour en être victime, sans pouvoir se défendre, sans même le vouloir : car il avait horreur de faire souffrir, autant que de souffrir. Les corps maladifs frémissent plus que les autres devant la souffrance physique, parce qu’ils la connaissent mieux, parce qu’ils ont moins de ressort pour résister, et parce que leur imagination surexcitée la leur représente plus immédiate et plus saignante. Olivier rougissait de cette lâcheté de son corps, que contredisait le stoïcisme de sa volonté ; et il s’efforçait de la combattre. Mais, ce matin, tout contact avec les hommes lui

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