Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/201

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Ainsi passaient les journées. Christophe reprenait ses forces. La bonté lourde, mais affectueuse de Braun, le calme de la maison, la régularité reposante de cette vie domestique, le régime de nourriture singulièrement abondant, à la mode germanique, restauraient son robuste tempérament. La santé physique était rétablie ; mais la machine morale était toujours malade. La vigueur renaissante ne faisait qu’accentuer le désarroi de l’esprit qui ne parvenait pas à retrouver son équilibre, comme une barque mal lestée qui sursaute, au moindre choc.

Son isolement était profond. Il ne pouvait avoir aucune intimité intellectuelle avec Braun. Ses rapports avec Anna se réduisaient, à peu de choses près, aux saluts échangés le matin et le soir. Ses relations avec ses élèves étaient plutôt hostiles : car il leur cachait mal que ce qu’ils auraient eu de mieux à faire, c’était de ne plus faire de musique. Il ne connaissait personne. La faute

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