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LA FIN DU VOYAGE

jours, dans ma chambre, quand je suis seule !

— Quoi ! encore à présent ?

Elle rit. Elle lui demanda — sautant d’un sujet à l’autre — s’il chassait. Il protesta que non. Elle dit qu’elle avait une fois tiré un coup de fusil sur un merle et qu’elle l’avait touché. Il s’indigna.

— Bon ! dit-elle, qu’est-ce que cela fait ?

— Vous n’avez donc pas de cœur ?

— Je n’en sais rien.

— Ne pensez-vous pas que les bêtes sont des êtres comme nous ?

— Si, dit-elle. Justement, je voulais vous demander : est-ce que vous croyez que les bêtes ont une âme ?

— Oui, je le crois.

— Le pasteur dit que non. Et moi, je pense qu’ils en ont une… D’abord, ajouta-t-elle avec un grand sérieux, je crois que j’ai été animal, dans une vie antérieure.

Il se mit à rire.

— Il n’y a pas de quoi rire, dit-elle. (Elle riait aussi.) C’est là une des histoires que je me racontais, lorsque j’étais petite. Je m’imaginais être chat, chien, oiseau, poulain, génisse. Je me sentais leurs désirs. J’aurais voulu être, une heure, dans leur poil ou leur plume ; il me semblait que j’y étais. Vous ne comprenez pas cela ?