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LE BUISSON ARDENT

— Vous êtes une étrange bête. Mais si vous vous sentez cette parenté avec les bêtes, comment pouvez-vous leur faire du mal ?

— On fait toujours du mal à quelqu’un. Les uns me font du mal, je fais du mal à d’autres. C’est dans l’ordre. Je ne me plains pas. Il ne faut pas être si douillet, dans la vie ! Je me fais bien du mal à moi-même, par plaisir !

— À vous ?

— À moi. Regardez. Un jour, avec un marteau, je me suis enfoncé un clou dans cette main.

— Pourquoi ?

— Pour rien.

(Elle ne disait pas qu’elle avait voulu se crucifier.)

— Donnez-moi la main, dit-elle.

— Qu’en voulez-vous faire ?

— Donnez.

Il lui donna la main. Elle la saisit et la serra, à le faire crier. Ils jouèrent, comme deux paysans, à se faire le plus de mal possible. Ils étaient heureux, sans arrière-pensée. Tout le reste du monde, les chaînes de leur vie, les tristesses du passé, l’appréhension de l’avenir, l’orage qui s’amassait en eux, tout avait disparu.

Ils avaient fait plusieurs lieues ; ils ne sen-