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LA FIN DU VOYAGE

moment sans répondre. Braun le regardait timidement ; très vite, il s’excusait :

— Tu la vois souvent, elle a confiance en toi…

Christophe fut sur le point d’embrasser les mains de Braun, de lui demander pardon. Braun vit le visage bouleversé de Christophe ; et aussitôt, terrifié, il ne voulut plus voir ; le suppliant du regard, il bredouilla précipitamment, il lui souffla :

— Non, n’est-ce pas ? tu ne sais rien ?

Christophe, accablé, dit :

— Non.

Ô douleur de ne pouvoir s’accuser, s’humilier, puisque ce serait déchirer le cœur de celui qu’on a outragé ! Douleur de ne pouvoir dire la vérité, quand on lit dans les yeux de celui qui vous la demande, qu’il ne veut pas, il ne veut pas savoir la vérité !…

— Bien, bien, merci, je te remercie… fit Braun.

Il restait, les mains accrochées à la manche de Christophe, comme s’il voulait lui demander encore quelque chose, n’osant pas, évitant ses yeux. Puis, il le lâcha, soupira, et s’en alla.

Christophe était écrasé par son nouveau mensonge. Il courut chez Anna. Il lui raconta,