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LE BUISSON ARDENT

en bégayant de trouble, ce qui s’était passé. Anna écouta, d’un air morne, et dit :

— Eh bien, qu’il sache ! Qu’importe ?

— Comment pouvez-vous parler ainsi ? cria Christophe. C’est affreux ! À aucun prix, à aucun prix, je ne veux qu’il souffre.

Anna s’emporta.

— Et quand il souffrirait ? Est-ce que je ne souffre pas, moi ? Qu’il souffre aussi !

Ils se dirent des paroles amères. Il l’accusa de n’aimer qu’elle. Elle lui reprocha de penser plus à son mari qu’à elle.

Mais un moment après, quand il lui dit qu’il ne pouvait plus vivre ainsi, qu’il allait tout avouer à Braun, ce fut elle à son tour qui le traita d’égoïste, criant qu’elle se souciait peu de la conscience de Christophe, mais que Braun ne devait rien savoir.

Malgré ses dures paroles, elle pensait à Braun, autant que Christophe. Sans avoir pour son mari d’affection véritable, elle lui était attachée. Elle avait le respect religieux des liens sociaux et des devoirs qu’ils établissent. Elle ne pensait peut-être pas que l’épouse eût le devoir d’être bonne et d’aimer son mari ; mais elle pensait qu’elle était obligée de remplir scrupuleusement les charges du ménage et de rester fidèle. Il