Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/317

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Ainsi, la douleur de Christophe appelait un Dieu, à qui sa raison ne croyait pas.


Il s’était réfugié dans une ferme, isolée, du Jura suisse. La maison, adossée aux bois, se dissimulait dans le repli d’un haut plateau bossue. Des renflements de terrain la protégeaient des vents du Nord. Par devant, dévalaient des prairies, de longues pentes boisées ; la roche, brusquement, s’arrêtait, tombait à pic ; des sapins contorsionnés s’accrochaient au bord ; des hêtres aux larges bras se rejetaient en arrière. Ciel éteint. Vie disparue. Une étendue abstraite aux lignes effacées. Tout dormait sous la neige. Seuls, la nuit, dans la forêt, les renards glapissaient. C’était la fin de l’hiver. Hiver tardif. Interminable hiver. Lorsqu’il semblait fini, il recommençait toujours.

Cependant, depuis une semaine, la vieille terre engourdie sentait son cœur renaître. Un premier printemps trompeur s’insinuait dans l’air et sous l’écorce glacée. Des

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