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LA FIN DU VOYAGE

galop, il arriva sur les cimes des arbres qui ondulaient. Tel le Dieu de Michel-Ange, qui passe dans une trombe. Il passa au-dessus de la tête de Christophe. La forêt et le cœur de Christophe frémirent. C’était l’annonciateur…

Le silence retomba. Christophe, en proie à une terreur sacrée, hâtivement rentra, les jambes flageolantes. Sur le seuil de la maison, comme un homme poursuivi, il jeta un coup d’œil inquiet derrière lui. La nature semblait morte. Les forêts qui couvraient les pentes de la montagne dormaient, appesanties sous une lourde tristesse. L’air immobile avait une transparence magique. Nul bruit. Seule, la musique funèbre d’un torrent — l’eau qui ronge le roc — sonnait le glas de la terre. Christophe se coucha, avec la fièvre. Dans l’étable voisine, les bêtes, inquiètes comme lui, s’agitaient…

La nuit. Il s’était assoupi. Dans le silence, la houle lointaine de nouveau se leva. Le vent revenait, en ouragan cette fois, — le fœhn du printemps, qui réchauffe de sa brûlante haleine la terre frileuse qui dort encore, le fœhn qui fond les glaces et amasse les pluies fécondes. Il grondait, comme le tonnerre, dans les forêts de l’autre côté du ravin. Il se rapprocha, s’enfla,