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LE BUISSON ARDENT

monta les pentes au pas de charge ; la montagne tout entière mugit. Dans l’étable, un cheval hennit et les vaches meuglèrent. Christophe, dressé sur son lit, les cheveux hérissés, écoutait. La rafale arriva, hulula, fit battre les volets, fit grincer les girouettes, fit voler des tuiles du toit, fit trembler la maison. Un pot de fleurs tomba et se brisa. La fenêtre de Christophe, mal fermée, s’ouvrit avec fracas. Et le vent chaud entra. Christophe le reçut en pleine face et sur sa poitrine nue. Il sauta du lit, la bouche ouverte, suffoqué. C’était comme si dans son âme vide se ruait le Dieu vivant. La Résurrection !… L’air entrait dans sa gorge, le flot de vie nouvelle le pénétrait jusqu’au fond des entrailles. Il se sentait éclater, il voulait crier, crier de douleur et de joie ; et il ne sortait de sa bouche que des sons inarticulés. Il trébuchait, il frappait les murs de ses bras, au milieu des papiers que l’ouragan faisait voler. Il s’abattit, au milieu de la chambre, en criant :

— Ô toi, toi ! Tu es enfin revenu !