Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

329
LE BUISSON ARDENT

de lumière tombée dans les ténèbres, qui s’élargit, s’étend, par qui la nuit est bue. Mais la nuit est sans bornes, et le combat divin ne s’arrête jamais ; et nul ne peut savoir quelle en sera l’issue. Symphonie héroïque, où les dissonnances même qui se heurtent et se mêlent forment un concert serein ! Comme la forêt de hêtres qui livre dans le silence des combats furieux, ainsi guerroie la Vie dans l’éternelle paix.

Ces combats, cette paix, résonnaient dans Christophe. Il était comme un coquillage où l’océan bruit. Des cris épiques passaient, des appels de trompettes, des rafales de sons, que menaient des rythmes souverains. Car tout se muait en sons dans cette âme sonore. Elle chantait la lumière. Elle chantait la nuit. Et la vie. Et la mort. Elle chantait pour ceux qui étaient vainqueurs dans la bataille. Elle chantait pour lui-même, vaincu et terrassé. Elle chantait. Tout était chant. Elle n’était plus que chant.

Son ivresse était telle qu’elle ne s’entendait pas chanter. Comme les pluies de printemps, les torrents de musique s’engouffraient dans ce sol crevassé par l’hiver. Hontes, chagrins, amertumes, révélaient à présent leur mystérieuse mission : elles avaient décomposé la terre, et elles l’avaient