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LE BUISSON ARDENT

lumière, à la foudre, au mouvement, à l’énergie du monde. De cette masse énorme de forces élémentaires, que des chefs depuis peu tâchaient d’organiser, se dégageait une chaleur de brasier, des ondes électriques qui parcouraient, de proche en proche, le corps de la société humaine.

Ce n’était pas par sa justice, ou par la nouveauté et par la force de ses idées que la cause de ce peuple remuait la bourgeoisie intelligente, bien qu’ils voulussent le croire. C’était par sa vitalité.

Sa justice ? Mille autres justices étaient violées dans le monde, sans que le monde s’en émût. Ses idées ? Des lambeaux de vérités, ramassés çà et là, ajustés aux intérêts et à la taille d’une classe, aux dépens des autres classes. Des credo absurdes, comme tous les credo, — Droit divin des rois. Infaillibilité des papes, Suffrage universel, Égalité des hommes, — pareillement absurdes, si l’on ne considère que leur valeur de raison, et non la force qui les anime. Qu’importait leur médiocrité ? Les idées ne conquièrent pas le monde, en tant qu’idées, mais en tant que forces. Elles ne prennent pas les hommes par leur contenu intellectuel, mais par le rayonnement vital qui, à certains moments de l’histoire, s’en dégage. On dirait un fumet