Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/52

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Olivier et Christophe regardaient venir le vent. Tous deux avaient de bons yeux. Mais ils ne voyaient pas, de la même façon. Olivier, dont le regard lucide pénétrait malgré lui l’arrière-pensée des gens, était attristé par leur médiocrité ; mais il apercevait la force cachée qui les soulevait ; l’aspect tragique des choses le frappait davantage. Christophe était plus sensible à leur aspect comique. Les hommes l’intéressaient, nullement les idées. Il affectait envers elles une indifférence méprisante. Il se moquait des utopies sociales. Par esprit de contradiction et par réaction instinctive contre l’humanitarisme morbide qui était à l’ordre du jour, il se montrait plus égoïste qu’il n’était ; l’homme qui s’était fait lui-même, le robuste parvenu, fier de ses muscles et de sa volonté, avait un peu trop une tendance à traiter de fainéants ceux qui ne possédaient point sa force. Pauvre et seul, il avait pu vaincre : que les autres fissent de

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