Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

83
LE BUISSON ARDENT

ne fallut que quelques mots, un sourire, pour que, dans le secret de son cœur, le petit Emmanuel se donnât à Olivier et décidât qu’Olivier était à lui. Après, quand il le rencontra dans la rue et découvrit qu’ils étaient voisins, ce lui fut comme un signe mystérieux du destin qu’il ne s’était pas trompé. Il guettait le passage d’Olivier devant l’échoppe, pour lui adresser le bonjour ; et s’il arrivait qu’Olivier, distrait, ne regardât pas de son côté, Emmanuel en était froissé.

Il eut un grand bonheur, lorsqu’Olivier, un jour, entra chez le père Feuillette, pour une commande. L’ouvrage terminé, Emmanuel alla le porter chez Olivier ; il avait guetté son retour à la maison, afin d’être sûr de le trouver. Olivier, absorbé, fit peu attention à lui, paya, ne disait rien ; l’enfant semblait attendre, regardait à droite et à gauche ; il s’en allait à regret. Olivier, avec sa bonté, devina ce qui se passait en lui ; il sourit, et essaya de lier conversation, malgré la gêne qu’il avait toujours à causer avec quelqu’un du peuple. Cette fois, il sut trouver les mots tout simples et tout directs. Une intuition de souffrance lui faisait voir dans l’enfant — (d’une façon trop simpliste) — un petit oiseau blessé par la vie, comme lui, et qui se consolait, la tête sous son aile, tristement recro-