Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/211

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Quand Annette se retrouva seule, chez elle, la nuit, elle fut atterrée. Elle ne s’appartenait plus. Elle s’était donnée… Donnée ! Donné sa vie !… Son cœur se serra d’angoisse.

Elle s’exagérait encore l’étroitesse des liens qu’elle venait d’accepter. Elle n’était pas de ces jeunes filles modernes qui, devant leur fiancé, plaisantent agréablement avec l’idée du divorce. Elle ne donnait pas d’une main, pour reprendre de l’autre. Elle n’était plus à elle. Elle était aux Brissot. — Et soudain, les Brissot lui parurent l’ennemi. Tout ce que ses yeux avaient vu, dans ces dernières semaines, se projeta devant elle, en traits accentués : tous leurs travaux d’approche, afin de l’envelopper, leur conspiration contre sa liberté, la comédie finale qui lui avait extorqué son consentement, par surprise… (Roger, Roger lui-même n’en avait-il pas été complice ?…) — Et elle se hérissa, comme une bête cernée, qui voit le cercle se resserrer, et qui se sent perdue, et qui est près de se jeter tête baissée contre les rabatteurs, pour se frayer passage,