Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

256 L'AME ENCHANTEE

insuffisamment dressée, qu’on mettait au courant. On lui faisait connaître l’ordre et la marche des jours, des mois, et des saisons Brissot, leurs relations de province, leur relations de Paris, leurs devoirs de parenté, leurs visites, leurs dîners, la chaîne sans fin de ces corvées de société, dont les femmes gémissent, et dont elles sont très fières, parce qu’en les harassant, ce mouvement perpétuel leur donne l’illusion qu’elles servent à quelque chose. Cette vie mécanique, cette fausseté de relations, cette convention perpétuelle, étaient intolérables à Annette. Tout y semblait réglé d’avance : les travaux, les plaisirs, — car il y avait aussi des plaisirs, — mais réglés d’avance !… Vivent les peines imprévues, qui sortent du programme !… Il n’était guère d’espoir d’en sortir, même pour les peines. Annette se voyait maçonnée, comme une pierre dans un mur ! À sable et chaux. Ciment romain. Mortier Brissot…

Elle s’exagérait la rigueur de cette vie. Le hasard, l’imprévu, y jouaient leur rôle, comme dans toutes les vies. Mesdames Brissot étaient plus redoutables en paroles qu’en fait ; elles avaient la prétention de tout diriger ; mais il n’eût pas été impossible, en les prenant par leur faible, en les oignant, flattant et encensant, de les mener par le bout du nez ; une