Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passeport ! Il n’était plus permis d’avouer une amitié allemande. Aux yeux du beau-frère et de la sœur de Germain, il eût été moins exorbitant de coucher avec un voleur de grand chemin. Ils étaient braves gens, solides et bornés.

Mme de Seigy, née Chavannes, plus âgée que son frère, de sept à huit ans, possédait la décision de pensée qui manquait à Germain. Elle n’avait pas l’embarras du choix : sur chaque objet elle était nantie d’une — une seule — pensée, nette et délimitée. On la lisait, du premier regard, sur ses traits fermes et bien dessinés, d’un jet, sans repentir : le nez long et mince, qui va tout droit — on ne le ferait dévier d’une ligne — et quand il s’arrête, c’est décidé : il pince les narines. Le front rond, sans plis. Les cheveux tirés, rien qui dépasse, dénudant oreilles et tempes. Le sourcil mince et arqué, l’œil précis. La bouche petite : la porte étroite, qui semble faite pour être fermée. Le menton gras, mais les tissus sont serrés ; pas une maille n’a bougé : il n’est de plis, sur ce visage, que des lignes droites de volonté. Il est écrit, du haut en bas : — « Inutile de discuter ! » — Polie d’ailleurs, et réservée. Laissez l’espoir de l’irriter ! Elle est sûre. Elle est un mur. On ne discute pas avec un mur, on fait le tour ; il borne et enferme : c’est son rôle. Et ce qu’il enferme n’est pas