Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour vous : domaine privé, propriété. Chacun chez soi, et vous dehors !…

« Chez soi » était Seigy-Chavannes, d’abord, — la ville ensuite, puis la province, et la France. Du tout la guerre avait formé un bloc : la patrie. Mais Seigy était au centre. Elle était présidente de l’organisation locale des Femmes de France. Elle se jugeait donc autorisée à parler au nom de toutes les femmes. Et qui dit la femme en France, dit la maison. Mme de Seigy-Chavannes n’était pas féministe, pas plus que ne le sont la plupart des Françaises, parce qu’elles ont le pouvoir en fait : elles n’ont pas besoin du droit, le droit leur semble une béquille pour infirmes. Mme de Seigy-Chavannes se tenait répondante de tous les mâles de sa maison. Ils lui donnaient satisfaction. L’un s’était fait tuer (M. de Mareuil), l’autre était grand blessé (son frère) ; et quant à son mari, commandant d’artillerie, il était, depuis six mois, sous l’orage de Verdun. Ce n’était pas qu’elle fût Cornélienne. Elle aimait ses Horaces. Elle ne tenait pas à ce qu’ils mourussent. Elle les soignait avec dévouement. S’il eût dépendu d’elle, elle eût partagé leur sort. Mais elle ne leur eût épargné aucune de leurs épreuves. La France, le pays, la ville, Seigy, ont raison. Il s’agit de prouver par le fait la raison. La raison n’est rien sans le fait. Et mon droit — (juste, injuste) — est le droit. Tout