Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/309

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filèrent les jours de miel de la première amitié. Et justement, Sylvie est là. Et le beau plat brisé, aux bleus profonds d’Alpes à l’horizon, fait ressurgir le paysage d’autrefois. Sylvie donne à sa sœur l’adresse d’un habile ouvrier, qui pourra réparer le dégât. Et Annette reconnaît le nom de Pitan.

Elle se met à sa recherche. Il y a peu de chances qu’elle le rencontre. Sylvie l’a avertie : Pitan est toujours en course, la boutique est moins souvent ouverte que fermée. Annette va pourtant à l’adresse en banlieue. Et, par exception, Pitan se trouve au logis.

Il est bien étonné de la visite. Le prétexte ne lui en fait pas accroire, — quoiqu’aussitôt les débris de faïence posés entre ses grosses mains, elles se fassent douces et dévotes aux pétales effeuillés de la fragile fleur de feu… Mais on ne vient pas de si loin pour une réparation ! Pitan laisse venir, sans manifester ni hâte ni surprise. Poliment, il fait asseoir Annette et, debout devant elle (debout, il est à peine plus grand qu’Annette assise), il l’écoute et la regarde, de ses bons yeux de velours. Cet homme, dans la vie de qui la femme ne paraît pas avoir eu place, n’a jamais aucune gêne quand il cause avec une femme ; tout naturellement, il se trouve de plain-pied. Ce qu’il y a d’enfantin et d’instinctif, même chez