Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/336

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cruelle. Il dit, écartant celle qui lui barrait le passage :

— Allons donc !… On l’aura, ton amant !…

L’indignation, la peur, font surgir dans le cerveau d’Annette une fureur sans nom. Elle se trouve, avec un couteau de cuisine à la main ; et, la seconde d’après, le couteau allait frapper…

Dans l’effort convulsif pour s’arracher à son crime, elle se retrouva debout, dans la nuit du wagon. Haletante. Horreur et honte… Elle suffoquait… L’insulte faite par son fils, l’insulte faite à son fils, le déshonorant soupçon qui les flétrissait tous deux — (lui, elle, c’était le même !) — le vent de meurtre, accablaient ses membres qui tremblaient. Elle se disait :

— Se peut-il ? Se peut-il que, cette pensée, je l’aie seulement conçue, que ç’ait été en moi ?…

Elle se jugeait deux fois criminelle, envers son petit, de ce soupçon infâme, et de son attentat. Et elle ne pouvait pas empêcher sa pensée d’insister :

— Si les choses en étaient venues là, l’aurais-je donc tué ?…

L’idée qu’elle avait parlé tout haut, que ses voisins avaient pu l’entendre, glaça son délire. Elle se dompta, refoula les sanglots qui lui soulevaient la gorge. Et le roulement du train dans la nuit réapparut… Non ! Personne n’avait pris garde