Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/135

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plateau, dans le vent, elle se tourna vers Franz, qui la suivait comme un chien. Les yeux du jeune homme guettaient, imploraient son regard. Mais quand ils le rencontrèrent, ils n’y trouvèrent plus qu’une froideur distante. Annette vit sa déconvenue, sourit et, se détendant, elle l’examina avec une bienveillance tranquille et maternelle :

— Franz, tu n’es pas mauvais, dit-elle, mais tu peux faire beaucoup de mal… Le sais-tu ?… Il est temps de le savoir, mon garçon !… Oui, tu n’es pas le seul. Moi aussi… Nous en produisons tous, comme un pommier des pommes. Mais ce fruit de notre arbre, il faut le manger seul. Ne le donnons pas aux autres !…

Décontenancé, il essayait d’échapper au sens de ces paroles et au regard qui le scrutait. Mais le regard tenait bon, et les paroles entraient. Sa nature malléable subissait les empreintes de toute forte main. Combien de temps dureraient-elles ? Annette ne se faisait plus grande illusion. Mais elle le tenait sous sa main, et elle pétrit ce cœur, avec une sévérité tendre. Elle éprouvait une douceur à goûter sous ses doigts la faiblesse frémissante de cette argile vivante.

— Erika t’aime, dit-elle ; et tu l’aimes. C’est