Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/136

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bien. Mais prends garde que tu as une dangereuse science de faire souffrir qui tu aimes — oh ! en toute innocence !… C’est le comble de la science… Il faudra la désapprendre. Tu sais que j’ai pour toi une affection, trop grande… Je ne sais pas mentir. Et pourquoi mentirais-je ? Ce que je te dis, tu le sais… Je te regarde comme un fils — et peut-être, davantage… Je veux ton bonheur. Mais j’aimerais mieux te voir misérable, toute ta vie, que jouant avec l’amour et, par légèreté, faisant souffrir cette enfant qui t’est livrée. Elle t’apporte infiniment plus que tu ne lui donneras. Tout ce qu’elle a. Elle toute. Toi, tu ne peux donner qu’une part. Vous, hommes, vous vous réservez le meilleur, la part du lion, pour votre monstre en cage, pour votre cerveau, cet ogre, pour vos chimères, pour vos idées, votre art, votre ambition, pour votre action. Je ne vous le reproche pas. Si j’étais vous, je ferais de même… Mais cette parcelle dont vous nous faites don, qu’elle soit pure ! Qu’elle soit sûre ! Ne la retirez pas, en la donnant ! Ne trichez pas ! On vous demande peu. Mais ce peu, on le veut. Te sens-tu capable de le lui donner ? Sonde tes reins ! Sonde ton cœur ! Tu la veux ? Tu l’aimes ? Prends ! Mais sois pris !