Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/153

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en quête d’un homme qui fût homme, qui fût soi, à tout instant de sa vie, et non pas un écho. Et ne parlons pas des femmes ! Elles sont les éternelles serve padrone. Elles mettent leur volupté à engluer les hommes, avec elles enlacés, dans la toile visqueuse du mensonge de l’Espèce, au gros ventre et sans yeux…

Or, il en voyait une seule — (ou bien, il l’imaginait ? ) — qui, depuis aussi loin qu’il avait souvenance, se débattait contre la toile, la défaisait, s’évadait, et, reprise, recommençait… Sa mère… En ces jours de soliloque, enfermé dans l’appartement désert, d’où elle semblait partie pour jamais, il remontait ardemment le fleuve du souvenir, il s’efforçait de reconstituer l’existence de cette femme durant les dernières années, cette vie solitaire, l’inconnu de souffrances et de joies, de passions et de combats, qui la peuplaient. Car il avait pris assez connaissance de cette âme, pour savoir maintenant qu’elle n’était vide à aucun moment. Il l’avait laissée seule, livrée à son monde intérieur : quels droits avait-il, à présent, sur ce monde ? Elle s’était habituée à combattre seule, à vaincre, à être vaincue, et, seule, à poursuivre sa route. Où cette route la menait-elle, loin de