Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/194

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sérieux dangers. La bravoure de Brissot était hors de question ; il eût aussi bien fait le coup de feu dans l’Argonne ou aux Flandres. Seulement, il comprenait les devoirs que lui imposait son génie. Afin de le conserver à la nation, il se laissa mettre à l’abri. Mais dans le service parlé, il se dépensa, à toute volée. Sa grande voix remplit les oreilles du monde. On l’entendit à Londres, à Bordeaux, à Chicago, à Genève et à Rome, voire à St-Pétersbourg, avant la Révolution ; dans toutes les villes de France, au front et à l’arrière, aux cérémonies funèbres et aux anniversaires. Il était, à l’étranger, l’incarnation de l’éloquence française. Il fut du grand ministère, qui se groupa autour de Clemenceau. Ils s’abominaient. Brissot ne supportait point, chez l’homme à la face de Mongol, l’absence de scrupules et surtout de principes. Et Clemenceau raillait, désobligeant, « le haut-parleur… »

— « Ta bouche, bébé La Vertu !… »

Mais toutes les inimitiés se turent, en face de l’invasion. Et les rivaux d’hier, associant leurs lumières, se partageant le gâteau, formaient — Millerand et Briand, Brissot et Clemenceau — autour de l’astre fixe, du clou de la Revanche,