Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/205

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cherchait ! L’annonce d’un meeting : cette après-midi, Roger Brissot parlait.

Il alla au lieu dit. Un hall de manège. Plusieurs heures à attendre. Plutôt que de rentrer chez lui, il s’assit sur un banc de la rue ; le dos tourné aux passants, il fit et refit son plan. Comment aborderait-il celui dont tout à l’heure il entendrait la voix ? À quel moment ? Que lui dirait-il ? Il ne ferait point de préambule. Il lui dirait, tout droit :

— Je suis votre fils.

En répétant ces mots, sa langue fut paralysée d’effroi… Et — le croirait-on ? — au milieu de son émoi, il pensa à M. de Pourceaugnac, ce petit Gaulois ! Il éclata de rire… Une ruse de l’instinct oppressé, qui cherche une diversion… Le burlesque de la scène effrontément s’accrocha à son émotion. Il alla, sifflotant, prendre un café noir. Mais du coin de la terrasse où il était assis, il ne perdait pas de vue la porte du manège. Et dès qu’elle s’ouvrit, il fut des premiers à entrer. Il se glissa au premier rang, près de l’estrade. Les places étaient réservées. Il se laissa refouler une fois, deux fois, trois fois, autant de fois qu’il faudrait ; tenacement, il revenait : il s’incrusta.