Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/206

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Il était debout, pour mieux voir, adossé à un pilier de fonte, juste au pied de la tribune, lorsque Brissot entra. Il était si troublé, en dépit de ses prétentions à l’insensibilité, qu’il ne le vit qu’après que Brissot était installé. Il eut ce choc qui se produit quand un événement longtemps attendu s’est accompli : il est tout autre qu’on l’imaginait, il n’est pas ressemblant ; mais sa réalité lui confère un tel relief que tout l’imaginé s’effondre, crevé comme un cerceau de papier. Plus de : « S’il était ainsi… ou, ainsi ?… » — Il est, il est devant toi, de chair comme toi ; et il ne t’est plus possible de le changer, de toute éternité…

— Lui !… cet homme !… mon père !…

Quel coup !… D’abord, quelque chose qui dit :

« Non ! » Une rébellion. Il faut le temps de s’habituer… Et puis, brusquement, le parti est pris. Il n’y a plus à discuter. Le fait est là. J’accepte « Ecce Homo !… »

— Et cet homme, c’est moi… Moi ?…

L’avide curiosité se jette sur ce visage, en détaille les traits, tâché de se retrouver en lui…

Cet homme grand et gros, large face rasée, beau front, nez droit, nez fort, aux narines complaisantes, qui humeraient aussi bien que la rose