Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/60

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en jour sa décision. Franz lui cachait sournoisement les journaux, et Annette oubliait de les réclamer. Le 8 et le 11 mars, deux nouveaux raids d’avions ravagèrent Paris ; et Franz, qui le savait, se garda de le dire. La frontière franco-suisse fermée, pendant la première quinzaine de mars, lui fut un prétexte pour le manque de nouvelles. Annette était coupable de ne pas chercher plus loin. Elle fut bien punie. Le 22 mars, tomba sur elle un double coup de foudre. La manchette d’un journal lui annonça l’explosion de la Courtille, la ruée allemande sur Paris. Et une lettre de Sylvie, qui datait de dix jours, lui apprit que Pitan était arrêté.

Annette fut bouleversée. Elle ne douta pas, un moment, que Pitan ne payât pour elle, dans l’affaire de l’évasion. Et, en ces temps, c’était le crime de haute trahison. Que s’était-il passé, dans l’intervalle des dix jours écoulés depuis le départ de la lettre ? En ces semaines de dure dictature, enfiévrée par l’approche de l’ennemi, les sanctions étaient promptes, on ne s’embarrassait point de justice : la justice n’était que la procureuse de la vengeance… Annette, depuis des mois, ne s’occupait plus de politique. Elle avait oublié.