Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/178

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Elle resta, comme secrétaire et dactylo particulière de Timon, dans son bureau. Elle avait sa table installée, dans un coin. La porte était presque toujours ouverte. On entrait et sortait constamment. Timon ne perdait jamais contact avec la machine. Il en surveillait tous les rouages ; et tous les frémissements en arrivaient à cette oreille de Denys. Cela ne l’empêchait point, dans le brouhaha, de recevoir cinquante visites, de suivre vingt affaires à la fois, de téléphoner et de dicter ordres et articles, et de causer, à bâtons rompus, avec la secrétaire.

C’étaient d’étranges entretiens, d’un caractère brusque et impromptu. Il ne fallait pas être une engourdie, pour attraper au vol la balle et la renvoyer, du tac au tac. On pouvait se fier à l’œil et au poignet de Annette : elle avait été en son temps championne de tennis ; et ses articulations, qui avaient tendance à se raidir, reprirent vite leur souplesse. Timon lui en faisait compliment, rudement, « pour son âge » : (il savait le nombre de ses années ; elle n’était pas femme à le lui cacher). Il avait besoin de cette escrime, de ces ripostes. Et elle n’avait aucun doute que, le jour où elle flancherait, il la rejetterait, comme un vieux cheval. Ce n’était pas une vie de tout repos. Il la tenait en haleine, du matin au soir. Guetter, saisir au bond ses pensées, les débrouiller, débarbouiller son expression, en la tapant sur le papier, l’oreille dressée, prête